Introduction
L’indépendance de la Haute-Volta, acquise le 5 août 1960, marque l’entrée de ce territoire dans le cercle des États souverains africains au lendemain de la décolonisation. Ancienne colonie française au sein de l’Afrique-Occidentale française (AOF), la Haute-Volta devient un pays autonome sous l’impulsion de ses leaders nationalistes. Ce passage de la colonisation à la souveraineté s’inscrit dans le mouvement général de libération des peuples africains, porté par la montée des partis politiques, les revendications identitaires, les réformes administratives françaises et les pressions internationales.
I- Contexte historique approfondi
1- Origines administratives
- Créée en 1919, la colonie de la Haute-Volta est formée à partir de territoires des actuels Burkina Faso, Mali et Côte d’Ivoire.
- En 1932, elle est dissoute pour des raisons budgétaires et ses terres sont redistribuées entre les colonies voisines.
- En 1947, sous la pression des populations locales et de l’élite administrative, la Haute-Volta est rétablie comme territoire distinct.
2- Cadre colonial
- Intégrée à l’Afrique-Occidentale française (AOF), elle est administrée depuis Dakar.
- Les institutions coloniales restent dominées par les autorités françaises, malgré la création d’assemblées territoriales.
- Les chefs traditionnels jouent un rôle ambivalent entre collaboration et soutien aux revendications populaires.
3- Éveil politique et revendications
- Après 1945, la conscience politique se développe grâce à l’éducation coloniale, au service militaire et au syndicalisme.
- Des partis comme le Rassemblement Démocratique Africain (RDA) et le Mouvement National Voltaïque (MNV) mobilisent les citoyens autour de la lutte pour l’autonomie.
- Des personnalités comme Maurice Yaméogo incarnent cette nouvelle classe politique africaine, formée dans le cadre colonial mais orientée vers la souveraineté.
II- L’accession à l’indépendance
1- Le référendum de 1958
- En application de la constitution de la Cinquième République française, les colonies sont invitées à choisir entre l’indépendance immédiate ou une autonomie au sein de la Communauté française.
- La Haute-Volta vote en faveur de l’autonomie, ce qui lui permet de créer un gouvernement local et d’avoir une Assemblée constituante dès 1959.
2- La proclamation du 5 août 1960
- L’indépendance est proclamée officiellement par Maurice Yaméogo, chef du MNV, devenu chef de l’État.
- Le pays adopte une nouvelle constitution et met en place ses propres institutions : présidence, assemblée nationale, gouvernement, etc.
- Le 5 août devient la fête nationale du pays.
3- Maurice Yaméogo, premier président
- Militant du MNV, il devient le premier dirigeant du pays.
- Il instaure rapidement un régime présidentiel autoritaire, supprimant le multipartisme.
- Il conserve des liens privilégiés avec la France, notamment à travers des accords de coopération.
III- Les enjeux de l’indépendance
1- Construire un État souverain
- Mise en place des institutions étatiques : Assemblée, gouvernement, justice, armée.
- Création de symboles nationaux (drapeau, hymne, sceau).
- Réorganisation de l’administration selon des modèles plus adaptés à la réalité locale.
2- Défis économiques, sociaux et structurels
- Économie essentiellement agricole, avec le coton comme principal produit d’exportation.
- Forte dépendance à l’aide extérieure et à la coopération française.
- Manque d’infrastructures de base : routes, écoles, hôpitaux, accès à l’eau et à l’électricité.
- Faible taux d’alphabétisation et formation insuffisante des cadres locaux.
3- Relations régionales et internationales
- Maintien d’un lien étroit avec la France : accords militaires, monétaires, éducatifs.
- Coopération diplomatique avec les pays voisins comme la Côte d’Ivoire, dont le rôle est majeur dans la construction régionale.
- Participation à des organisations comme l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine) et plus tard la CEDEAO.
- Choix politique de non-alignement modéré dans le contexte de la guerre froide.
Conclusion critique
L’indépendance de la Haute-Volta fut une conquête politique porteuse d’espérances. Elle a permis aux Voltaïques d’entrer dans une ère de souveraineté, mais avec une autonomie fragile, tant sur le plan institutionnel que sur le plan économique. Le régime de Maurice Yaméogo, bien que porteur de la légitimité historique, s’est rapidement heurté à des contestations internes, ouvrant le cycle des instabilités politiques qui marqueront les années suivantes. La Haute-Volta, en quête d’identité, amorce ainsi une phase de transition qui se poursuivra bien au-delà des années 1960, jusqu’à la révolution sankariste de 1983 et le changement de nom en 1984.